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  • Photo du rédacteurvalentin got

Journal d'un futur père déjà papa.

Dernière mise à jour : 30 juil. 2023


Jeudi 13 Octobre 2022.


C'était une journée comme une autre. Au travail les jeunes allaient comme peuvent se sentir ceux en proie à des angoisses profondes, des idées noires, des incompréhensions liées autres ou à la vie. Bref le taff. Et le plaisir ensuite de rentrer à la maison, retrouver ma tendre aimée et ma chienne, Smooth pleine de vie du haut de ses 15mois. Je dois dire que dans cet appartement du 14 de ma barre d'immeuble, ceux qui y vivent savent accueillir chaudement ! Chose qui est un délice rare lorsque l'on passe sa vie professionnelle à prendre soin de ce qui souffre en l'autre. En l'écrivant, je mesure ma chance, et Dieu qu'elle est grande! Une fois posé sur le canapé, avec un petit calumet très légèrement parfumé au THC, je me met à geeker sur mon ordinateur. Du coin de l'œil je vois Séléné sortir de la cuisine pour se rendre aux toilettes (ce n'est pas le véritable prénom de la femme qui partage ma vie, bien que celui ci parle tout à fait de son côté lumière lunaire qui lui va à ravir). Les minutes passent, "gros caca" me dis-je. Finalement je n'ai pas vraiment le temps de finir de tuer le monstre de mon jeu que la voilà sortie, me regardant d'un air que je ne lui connait pas, tout en gonflant ses poumons pour m'annoncer d'une voix qu'elle tente de mesurer: "je suis enceinte."


Comment dire que je me vois là, assis comme un gamin devant son ordi avec son biberon d'adulte au coin des lèvres, regardant cette femme m'annoncer dans toute sa vulnérabilité qu'une âme commence l'ascension vers le monde physique à travers la rencontre réussi de notre amour, de nos semences. Le monde s'arrête de tourner, l'aiguille sur le cadran reste figée, ne reste que nos yeux suspendus par ce regard qui nous lie, qui nous raccroche, qui nous sauve. J'aimerai dire quelque chose mais les mots sont lâches, la langue française a déserté de mon esprit. Je n'ai plus de logique, la réalité même se dérobe sous le regard si réel, si intense, si beau de Séléné. "Réagis, fais quelque chose !" me dis-je. Alors je me lève, m'approche doucement comme un chat et je la sers dans mes bras. Les mots sont toujours absents, de toute façon, quoique j'aurai pu dire, rien n'aurait pu être assez juste. D'ailleurs elle semble en être tout aussi incapable que moi. Nous sommes l'un l'autre souriants, dans un besoin de revenir au corps de l'autre chaque fois que le câlin se désépaissi. Comme drogués par ce regard qui change le monde, nous restons rivés sur les yeux de l'autre comme s'il pouvait en jaillir une vérité, une réaction, un quelque chose qui pourrait mettre fin à ce moment irréel. Elle est ahurie par ce qui est sortie de sa propre bouche, et moi je suis subjugué par la beauté de cette bombe. Quand je pense qu'Einstein s'est fait chier à trouver un moyen de fission atomique, alors qu'à ma femme il a suffit de prononcer trois mots. Le résultat est le même, le monde d'avant n'est plus, et aucun moyen d'imaginer le monde d'après.


Plus résiliente que moi, je la vois bouger ses lèvres, proposer de manger. Je suis encore ailleurs, je lis sur ces lèvres mais je n'entends plus rien. Je vais à la fenêtre, prends quelques taff de ce join qui n'a plus du tout le même goût, et je la regarde s'affairer. Séléné me regarde aussi, souriante, hébétée, si belle. C'est donc celui-ci, le visage de la femme mère de mon enfant? C'est à elle que j'ai pensé de si nombreuses fois pendant tant d'années. Le mystère est levé, et j'en suis pas peu fier !

Mais il n'empêche que je suis sur le cul, elle va être maman, elle va être le canal qui permet à une âme d'advenir ici, dans le réel de l'Existence, dans le réel de MON existence. Bordel, j'ai des frissons partout, mon corps me lâche, ce lâche, ce n'est pas le moment. Elle doit pouvoir compter sur moi, je veux qu'elle voit que je n'ai pas peur, que je l'aime et que j'aime cette bombe. Mais je commence à bien flipper mine de rien, comment va-t-on faire? Financièrement on vient d'acheter cet appart, on a plus de sous et nos mensualités sont telles qu'on est tout le temps dans le rouge.

Notre chienne est en pleine crise d'ado, elle en devient si insupportable qu'on paye une comportementaliste canin dans le seul but de s'acheter une version de Smooth plus aimable dans notre réalité affective, moins abandonnable dans nos fantasmes.

Familialement parlant c'est le zbeul, grosse rupture familiale du côté de Séléné malgré tous ses efforts pour que les choses bougent vers plus de justesse.

Professionnellement, cela fait 2 semaines que l'on vient de lancer le libéral, un sacré gros projet qui demande un investissement conséquent à tous niveaux.

Bordel. Intellectuellement je savais qu'un enfant arrivait dans une famille, à la fois au pire et au meilleur moment. Bien visé pour le pire, rien à dire. Pour le meilleur, inch'allah que ce sera dans le mille aussi ! A nous de tout faire pour que cela advienne tu me diras, mais bon, ca reste bien flippant quand même !


Je fini par quitter mon perchoir et la rejoindre, collé à son corps. D'habitude c'est elle le koala, cette fois on est deux. Je crois qu'on a jamais été aussi proche qu'en ce jour, on s'est connecté d'âme à âme, et non plus de psychologique à psychologique comme se fût le cas jusqu'alors. C'est ma femme, elle est belle, intelligente, importante et elle porte aujourd'hui la Vie.


Vendredi 14 Octobre 2022


8H, j'ouvre les yeux, le son familier du café grimaçant d'effort filtre sous la porte fermée, tout comme la lumière du jour qui me fait plisser les yeux. L'odeur du café empli mon imaginaire, Séléné est déjà levée et doit commencer son petit déj.

Séléné.

Enceinte.

Putain.


Je me presse pour sortir du pieu, j'ai besoin de voir son visage, son expression. Je la trouve penchée sur facebook, elle lève ses yeux vers moi, je la sens sereine, je suis rassuré. C'est surprenant à quel point cette annonce fait "rupture", comme si toute ma vie pouvait disparaître en un éclair. Mais non en fait, elle tient. Plus surprenant encore: elle continue.


On est plutôt silencieux, tout ce dit dans nos regard qui se croisent, se fuient, dans nos sourires impressionnés. Ces sourires ont la même texture qu'à notre rencontre, timides, sincères. C'est comme si nous nous rencontrions à nouveau, dans un autre paradigme, une autre réalité. Puis les exigences du quotidien nous ramène au réel. Sortir Smooth, se souhaiter une belle journée, aller au travail, s'ouvrir au monde et le laisser nous traverser pour pouvoir œuvrer de notre mieux. On essaie du moins, comme tout à chacun je suppose.

Avant de partir, je me souviens que la veille elle m'eut tendue une photocopie d'un bébé dinosaure entrain d'éclore, tout mignon faut le dire. Elle s'était dit qu'elle allait préparer une annonce, me faire gamberger jusqu'à comprendre ce qui se passait. Mais elle était trop sous le choc pour tout ca, le dire directement était son seul moyen. Aussi je récupère l'imprimé, le découpe et l'agrafe à une photo d'elle et la glisse dans ma poche. Je peux pas être avec Séléné aujourd'hui, mais elle peut être avec moi.


Au cours de cette journée j'ai maintes fois regardé cette matérialisation, mes sentiments étaient des plus ambivalents. Par moment je sentais une sérénité joyeuse, par d'autre le visage de l'angoisse pointer son nez.

D'un naturel calme je n'éprouve que rarement du stress conscient, il m'est arrivée une fois par le passé de faire une crise d'angoisse, quand je me suis trouvé en haut d'un temple bouddhiste au fin fond de la Thaïlande, et que le vertige m'eut envahi une fois avoir compris qu'il me faudrait en redescendre. Et bien aujourd'hui, par deux fois je me suis senti pris de vertige, exactement comme si je me trouvais à nouveau sur ce foutu temple.

La première c'est lorsque je me suis retrouvé devant mon café après le déjeuner, j'avais 10mn avant de reprendre. 10mn a ne penser qu'à moi. 10mn à sentir l'angoisse enfler. Super sympa. J'ai fini par couper court, aller m'assoir devant mon poste de travail et respirer jusqu'à sentir les mains de la tachycardie lâcher mon palpitant.

La seconde est arrivée un peu plus tard, lorsque j'ai retrouvé mon pote Samy.


Un peu plus tard (19h30)


Je suis posé à un bar, L'éléphant du Nil. Samy ne devrait pas tarder, je dois finir en bonne et due forme cette lettre adressée à Séléné, les mots m'ont manqués la veille, et même si elle ne me l'a pas vraiment dit, je sais qu'elle est angoissée par tout ca, que c'est beaucoup. Je souhaite faire ce que je peux pour la rassurer, en tout cas me concernant. Dans mon sac se trouve une peluche pour nourrisson achetée un peu plus tôt dans un magasin dédié à la maternité. J'y suis entré à 18h10, j'en suis ressortir à 18h50. Moment totalement déphasant où je me suis assis sur les marches entre le RDC et le niveau 1, profitant du fait qu'il n'y est personne pour m'imprégner de ces visuels, des questionnements qui gambadaient en moi comme des étalons sauvages dans la plaine.

Est-ce que je suis vraiment prêt pour être le père d'un enfant, et l'accompagner sur le long et rude chemin du réel? Comment faire pour devenir un bon père? Comment avait réagit mon père quand lui même a apprit qu'il allait le devenir? Est ce qu'il a eut ces questionnements? Ou, est ce qu'il s'en foutait? Après tout dans mon vécu il a été très absent. Peut-être qu'il a vécu les choses comme moi, voire douloureusement, et se faisant, désinvesti sa fonction parentale au point que je crois qu'il en ait rien à faire? Depuis si longtemps j'ai imaginé ce jour, où j'allais enfin pouvoir être le père qui m'a manqué, mais maintenant je doute. Qu'est ce que je doute bordel. Comment ai-je pu croire que je saurai faire mieux que lui? Si j'arrive à être 10% du père qu'il a été pour moi, en réalité, mon enfant s'en sortira très bien.

Alors que les fils de pensée commençaient à se nouer les uns aux autres, la vendeuse est venu me voir: "vous avez choisit?" Oui j'ai choisis. Ho oui, j'ai choisi. Je vais devenir père, et je choisis ce changement, comme je choisis d'en porter les responsabilités.

"Oui, j'ai choisis. Je vais vous prendre ce raton-laveur"


C'est bon j'ai signé ma lettre, assez rudimentaire sur un papier de bloc-note, mais ca fera l'affaire. Au moment même où je la range soigneusement dans mon sac, une main agrippe mon épaule. Je me retourne, le frérot est arrivé. Il me sourit, le visage dégoulinant, ah oui il pleut, je ne m'en était pas rendu compte. Voyant ma bière, il court en chercher une sans même prendre le temps d'attendre le serveur. A son retour il m'apprend que son patron ne souhaite pas continuer avec lui, sa période d'essai prenant fin. IL est atterré, sous le choc de voir ses efforts non récompensés, son professionnalisme non respecté. La vie est parfois si rude, si injuste dans notre ressenti de l'instant. Je compatis. Une fois le sujet vidé de sa substance affective pour le moment, il me regarde et me demande "Et toi frère? T'en es où? Le mariage, les enfants."

Quel con celui là, toujours aussi intuitif. Je sens ma gorge se nouer, faut que je bouge.

"Je reviens je vais pisser".

Aux chiottes je me débats avec cette foutue ceinture qui ne veut visiblement pas libérer mon futal, soulagement d'y parvenir enfin. Mais la ceinture qui sert ma gorge est toujours là, je m'accroche au lavabo, et fait face à mon visage dans le miroir. Je ne suis pas prêt à en parler avec quelqu'un, et je ne suis pas non plus capable de nier ce qui se passe en moi. J'ai peur et j'ai besoin d'aide, j'ai besoin de mon pote. Ma gorge se relâche un peu, j'ai pris ma décision.


Lorsque je le retrouve, je m'assoie, le regarde siroter son jus de chanvre et prends exemple sur ma femme en lui lançant "Je vais être papa". Samy me regarde, sa bière ne semble plus rien peser dans sa main. "Quoi? T'es sérieux? me demande t-il choqué. Comment s'est possible?

- Et bien, Séléné est enceinte."

Ses yeux s'emplissent, il se lève et me sert dans ses bras. Il rigole fort, pleure fort, me sers fort. Je me sens comme une bouée en pleine mer, comme un chiffon dans le vent. Son émotion, si vive, si intense me fait éprouver mon calme, ma sérénité dans mon annonce. Même une fois assis, de nouveau devant sa bière, les larmes coulent chaque fois que ses yeux se posent sur moi. Je comprends que parmi ces larmes, certaines sont pour moi, faites de joie, et d'autres sont pour lui teintée de tristesse.

Je lui explique de ne pas trop s'enflammer non plus, a priori cela fait 2 semaines qu'elle est enceinte mais que durant le premier trimestre, le taux de fausse-couche est très élevé. Chose assez paradoxale de tempérer l'autre quand je me vois ne pas le faire pour moi même. Qui que soit cette âme qui à choisit notre foyer pour se développer, je l'aime déjà tant.

Félicitations, compliments, ravissements, sincérité émotionnelle, tout y est. Généreusement et affectivement intelligent, il m'a tout donné à un moment où j'en avais profondément besoin. Merci mon frère, merci de partager avec moi ta belle humanité. Merci.


Encore un peu plus tard (22h30)


J'arrive à la maison, Séléné est posée dans le canapé, le Smooth à côté d'elle. Que c'est bon de les retrouver. L'odeur des lasagnes entrain de cuire me rappelle la venue de ma sœur et de son mari. Ils viennent de Nantes, et avec les problèmes d'essence, de train, ils arrivent tard. Heureusement, ca me donne le temps d'étreindre ma chérie, de lui demander comment s'est passée sa journée et de lui raconter la mienne. Pour le moment, il n'y a que Samy au courant. Comme s'est étrange de se le dire, de le savoir. Ce n'est déjà plus notre précieux secret.


Ce moment avec ma sœur Coline et son homme Melvin est des plus doux, des plus agréables. Comme chaque fois que l'on se voit, ces instants nous tiennent à cœur. Ma sœur a du mal a parler de sa famille sans pleurer, aussi les larmes coulent chaque fois que l'on se voit. Cette fois, sa concernait sa relation avec notre grand frère, Alexis. Les liens dans une fratrie sont vraiment complexes. D'un côté je vois ma sœur pleurer les vestiges d'une relation infantile douloureuse, de l'autre, je vois les yeux secs de Séléné regardant avec compassion Coline. Il y a peu encore, ces yeux ont irrigué bien des mouchoirs d'une tristesse sans fond à voir sa relation avec sa sœur s'effriter au cours des derniers mois. Séléné est vraiment exceptionnelle, j'aimerai tant que le monde la voit telle que je la vois. Ou simplement qu'elle-même l'entre aperçoive. Mais la plupart des beautés rares sont invisibles aux yeux de ceux qui ne cherchent que la laideur en l'humanité. Et Dieu sait que ces humains sont nombreux, fût un temps, j'en faisais parti.

A un moment de silence, où seuls les mouchoirs roulent doucement sur la table, nous nous regardons avec Sélénée. Et dans ce regard entendu, se passe une envie, celle de dire notre belle vérité. Pourtant, juste avant qu'ils n'arrivent, nous avions convenu que ce n'était pas nécessaire, plutôt de laisser voir venir, et d'agir en fonction. Elle me regarde en souriant, je fais de même, Mel et Coline se rendent compte de notre conversation invisible. Et alors que Séléné reste à me regarder, comme gênée de se tourner vers eux je lui lance en souriant: "ben assume!" Chose qu'elle comprend comme : assume de dire, d'annoncer, quand moi je pense "assume tes ressentis et oses les regarder", en somme. Aussi je sens tout de suite ma propre agressivité dans cette injonction. Séléné ne bronche pas, se tourne vers eux et égale à elle-même, assène: "je suis enceinte".

Silence. Un peu gênant. Ils sont choqués, pris au dépourvu. On se regarde avec Séléné avec cette drôle d'impression d'avoir dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Ils finissent par se bouger, étreindre Sélénée qui se trouvait comme eux sur le canapé, pour ma part je quitte la fenêtre où je fumais une clope pour les rejoindre. Le moment gênant semble passé dans la forme mais pas dans le fond. Je me sens perturbé, je vois Séléné maintenir une façade de joie factice, elle est peinée par ce qui se passe. Les langues finissent par ce délier, et commence à se raconter notre histoire... sous forme d'excuses. Comme si nous nous excusions de cette vérité, comme si elle n'était pas le fruit de l'amour mais simplement le résultat conséquentiel de choix passés. Avoir décidé d'enlever le stérilet en septembre, avoir décidé de faire l'amour protégé ou non selon le moment, les envies. Une seule fois sans se protéger à suffit. Génial. Pas d'émotion. Si ce n'est celle de la déception, plus tard, lors de la balade.

Séléné me confiera éprouver du regret du fait de l'avoir partagé, qu'elle aurait préféré ne rien dire finalement. De mon côté je partagerais avec elle mes doutes, et s'ils s'attendaient d'avantage à entendre que nous nous séparions? Comment l'extérieur pense notre relation au final?


Cette balade nous fera du bien au bout du compte, elle nous aura fait partager nos doutes, nos craintes, nos peurs que le regard de l'autre amène avec lui. Nous prendrons le parti que cette réaction parlait davantage d'eux que de nous, chose que je vérifierais le lendemain en appelant Coline, et en lui communiquant notre vécu de la veille, et les questionnements associés.

J'apprendrai alors que nous avions vue juste, mais il faudra tout de même du temps pour que les éprouvés désagréables de ce moment se diluent petit à petit. Quelque part, nous avions pris pour nous, leurs réactions. C'est à dire que nous portions en nous-même ces doutes projetés sur l'Autre.

"Et si nous nous trompions? Et si notre couple n'est pas assez solide, et si nous nous aimons pas assez fort pour porter un tel projet de vie?" Se sont ces questionnements qui font mal, ceux qui portent le pouvoir de détruire les espoirs, de détruire le sens que l'on donne à la présence de l'Autre dans sa vie, à cette place qu'il ou elle occupe. Mais ce qui a le potentiel de détruire porte aussi le potentiel de construire, de guérir.


Au moment où j'écris, soit, 5 jours plus tard, je les bénis pour ce moment.

Parfois on prête à l'Autre le pouvoir de mieux savoir pour soi, ce qui est bon pour soi.

Parfois on prête à l'Autre le pouvoir de juger du bon ou du mauvais. Comme si nous en étions incapables, lucides d'une cécité faite d'illusions. Et après on se rappel que l'Autre, n'est absolument pas en position de mieux savoir pour soi. Si l'Autre avait le choix, la plupart du temps, il choisirait le meilleur pour lui et le reste pour soi. Et dans ce cas présent, Séléné et moi avons accès au meilleur, quelques soient les jugements inconscients de l'Autre et ce qui l'anime en profondeur. Cela ne nous regarde pas. Et quelques soient nos propres jugements qui parlent d'avantage de peur que d'amour.

Nous avons de la chance, et il nous appartient d'apprendre à s'en rendre digne. Ma mission n'est pas de rassurer les croyances des uns et des autres, ma mission est de protéger Séléné, de prendre soin et d'être un bon compagnon pour elle sur son chemin de vie. Comme être capable de faire face aux questionnements, aux doutes, aux peurs qui viennent de l'intérieur comme de l'extérieur, et de construire avec tout ça, avec Sélénée, notre paradis. Parce que ce paradis sera un jour prochain le foyer d'une troisième âme. Et puis parce que je l'aime ma femme. Aussi le regard des autres, ne me semble plus si important finalement. Seul compte le sien.


Mardi 18 Octobre 2022


5 jours sont passés. Depuis, cohabitent en moi des affects, des questionnements nouveaux et anciens. J'ai le désir presque irrépressible d'écrire tout ca. Après la balade de Smooth et profitant de l'absence de Séléné qui est au travail, je fonce au café. Alors je me met à taper frénétiquement sur les touches de mon clavier. Journal d'un futur père déjà papa. Un titre qui m'évoque le fait d'être pris par plusieurs réalités:

Celle de devenir prochainement père, comme si d'un point de vue identitaire en le port de la fonction paternelle en un claquement de doigt mon sort était scellé.

La réalité de la tendresse que j'éprouve à l'idée de cette rencontre à venir, de cet être à la fois totalement autre, et à la fois connu du fait d'avoir pour source Séléné et moi-même.

Et aussi la réalité de la bombe anxiogène que tout ca représente par rapport à là où j'en suis aujourd'hui dans ma vie, tous niveaux confondus. Anxiogène parce que je suis pris dans un étau. D'un côté le réel de cette annonce qui s'inscrit dans une trame temporelle consciente et inconsciente. Conscient dans le sens où c'est avec un effort continuellement cultivé depuis mes 10ans que de me représenter père et papa. Et de l'autre, le réel que je vais, effectivement, devenir père sous peu.

Plus j'écris, plus je me rends compte de ma chance. C'est fou cette histoire, c'est fou cette perspective qu'en plus de ma vie actuelle, s'ajoute une nouvelle dimension, un nouveau membre dans la famille à protéger, à aimer, à dorloter. Ecrire me fait du bien, c'est renouer avec des parties de moi, comme des amis de longues dates enfin retrouvés. J'ai envie d'écrire un projet paternel, celui des Rituels de reconnaissance du sujet. Mais ce n'est pas le moment, j'ai d'abord a débroussailler, a faire le tri, a accepter doucement que les plaques tectoniques de ma vie se chevauchent à en inverser les pôles.

D'autres part, je sens aussi qu'il me faut prendre hautement ma responsabilité, parce que je vois Séléné en peine de faire face à des mondes intérieurs qui se fracassent les uns sur les autres. Des reviviscences de l'environnement familial dans lequel elle a grandit, des angoisses liées à la représentation d'un gouffre entre ce qu'elle à reçut en tant qu'enfant et ce qu'elle souhaite donner en tant que mère. Comment prendre soin d'elle durant cette traversée en solitaire ? Je suis son compagnon c'est certain, mais sur ses sentiers intérieurs je ne puis l'accompagner. Aussi, j'ai souvenir que son amie Marie lui manque beaucoup, qu'elle est mère d'un petit depuis déjà un an. Clairement là, j'ai une opportunité de pouvoir être aidant à son égard. C'est décidé, le jour de son anniversaire, le 16 décembre, nous prendrons l'avion direction Munich !


Mercredi 26 Octobre 2022.


A ce jour, toute ma famille proche est au courant, ainsi que mes trois frères de coeur. Alors que du côté de Sélénée sa famillle est encore tenue dans l'ignorance. Fort de circonstances, cette asymétrie est néanmoins le témoin d'une brisure familiale qui ne me laisse pas indifférent. J'aimerai pouvoir tout régler. Tel un héros de série romantique, j'au voulu être un Tisselien. J'en ai rêvé la nuit dernière. Je me suis vue appeler sa soeur Margaux, et l'âme agissante, trouver les mots magiques qui apaisent son narcissisme écorché, qui guérissent les blessures invisibles que les liens du sang n'ont su panser. Je me suis vue aller voir sa mère, et la tirer de sa dépression à coups de bon sens, et d'une claque d'amour vrai pour cette humaine en souffrance, la sortir de son attitude mortifère. Mais la réalité est plus âpre. Les relations familiales du côté de Sélénée ne me regarde pas suffisamment pour me légitimer à agir. Ce qui aurait pour conséquences de ne faire qu'agrandir le faussé entre eux et nous. Ou peut-être que je me raconte ce qui m'arrange et ne crois pas assez fermement en lui puissance bénéfique et curative de mon désir sincère? C'est possible. Mais difficile de savoir ce qui est le plus vrai. Entre le fantasme narcissique du héros et le désir de protéger Séléné. Parfois être psy me fait plus l'effet de me mettre des balles dans le pieds quand d'autres parties de moi seraient simplement passées à l'action.

Et puis je suis peut-être aussi propulsé dans ces désirs/fantasmes simplement parce que Sélénée commence à avoir des symptômes de grossesse. Envie de gerber tout le temps, grande difficulté à dormir. Elle stress beaucoup sans pour autant m'en parler. Elle fait son bout de chemin à sa manière.

J'ai l'intuition que dans ses raisonnements, elle ne prend pas en compte que son rapport à la vie, à elle-même, va véritablement changer par cette rencontre à venir. Aujourd'hui elle se met une pression dantesque. C'est comme si elle avait 9mois pour tout régler de sa vie, tout réapprendre dans l'art d'être à la vie et à l'amour. Pour ma part j'ai le sentiment que c'est justement ce petit bout qui va lui donner la perspective relative, la hauteur inconditionnelle et la dimension spirituelle qu'elle recherche.

Après tout, on aimerait tous être déjà l'humain que l'on sera une fois passée l'épreuve encore à venir. Besoin d'anticipation, de contrôle. Comme si être insuffisant n'était pas suffisant. C'est tout le paradoxe. Lorsque l'on tombe, on tombe seul. Lorsque l'on s'élève, on s'élève ensemble. Et je crois qu'il en va de même avec la parentalité. On s'élève à mesure que l'on élève. Si tant est que l'on est prêt à grandir, à apprendre des immaturités et des petitesses des autres, comme des siennes.


Mercredi 2 Novembre 2022


Pour diverses raisons je suis d'une humeur massacrante aujourd'hui. Tout va de travers depuis que je me suis réveillé. Cela dit c'est une journée importante, nous avons notre première échographie (EPP) ! La sage-femme est professionnelle, elle pose plein de questions à Séléné relatives à sa santé, à son patrimoine génétique connu, aux maladies potentielles, lui donne également des conseils. A un moment elle me regarde, enfin me voit, je crois qu'elle m'avait oublié le temps d'un instant, pour m demander comment je vais. Somme toute assez rapidement, Séléné se retrouve allongée, et entre ses jambes relevées, un god-caméra tente d'y voir quelque chose. Et là, apparait soudain un petit grain de riz de 8mm sur fond noir, dont on ne discerne pas grand chose si ce n'est son cœur battant. Et il bat. IL BAT !

Il est bien là, et il est en chemin vers le réel de la vie terrestre en France, en 2023. Intense pour lui.


Quelques jours après on me demandera innocemment si je compte un jour avoir un enfant, vue la conjoncture globale. Entre les crises sanitaires, sociales, humanitaires, économiques, écologiques, climatiques; démographiques et technologique... Il y a de quoi s'en faire en effet. Je repense à ma sœur qui me disait par le passé ne pas savoir comment conjugué son désir de parentalité avec le constat de ce monde qui semble d'avantage s'écrouler qu'évoluer sainement.

Consternements que je partageai, et que je partage encore aujourd'hui. Cela dit, je cultive une philosophie qui tend à admettre, à accepter qu'il n'est rien dans le réel extérieur et dans la notion d'avenir, qui soit contrôlable. En ce sens, je considère ne pas avoir suffisamment de pouvoir de conscience pour juger avec justesse de l'importance qu'une vie naisse ou ne naisse pas.

La vie trouve toujours des voies d'adaptation, afin de s'ouvrir et grandir vers la lumière malgré l'obscurité de la canopée. Nos représentations d'adulte sont la canopée pour ces êtres en devenir que sont les enfants. J'estime qu'il est de mon devoir d'humain adulte de ne pas sous-estimer le potentiel infini d'un humain en construction dans un paradigme qui est, certes nouveau pour moi, mais qui est tout ce qu'il y a de plus naturel pour lui.


Mercredi 30 novembre 2022


Sélénée vient de prendre son train, direction Grenoble pour y retrouver sa grande amie Claire, encore fraichement diplômée en médecine générale. Ce n'est pas sans verser une petite larme que je marchais de la gare de Lyon à ce petit café rue de Charonne. Mes sentiments sont des plus paradoxaux, entre le bonheur sincère de la savoir aller vers un ailleurs porteur, doux et chaleureux, et le pincement au coeur qui ne me lache pas de la savoir s'éloigner de moi, de ma vie. Bien qu'il ne soit question que de 5jours, cela m'apparaît être une éternité. Parfois être fort, c'est donner tout ce que l'on est pour protéger, accompagner, tenir. Parfois être fort c'est devoir s'en remettre à l'Autre, à la Vie, et avoir foi. Et aujourd'hui, il me faut être fort, croire que tout se passera bien, cultiver des pensées hautes pour qu'elles l'accompagne où qu'elle aille. Elle et le bébé tout au chaud en elle. Et puis j'ai a faire, le travail n'attend pas et Smooth a besoin que je sois opérationnel, égal à d'habitude. Let's go.

Et mon amour: bon vent te porte. Je t'aime.


J'ai peur de créer de l'insécurité chez mon enfant, à cause de mon parlé qui ne s'adapte pas assez. Lorsque ma raison et mon cœur s'aligne, le regard verbalisé que je porte sur les choses, le monde, l'existence, l'Autre ou moi même, se délecte d'une précision dans la signification. Introjecté de mes signifiants, chaque mot est un monde, liés les uns aux autres ils forment un univers observable que par moi-même.

Cet univers est une pensée vécue consciemment en émotion. Notamment celle qui émane de la surprise à voir apparaître la Beauté. Celle d'un construct de pensée aux allures cohérentes, qui donne généreusement accès à sa matière comme pour en palper son potentiel harmonieux.

Aimer autant cette beauté, c'est vraiment aimer l'idée qu'il y a une logique à tout ca, à l'organisation effective des choses dans l'univers, et qu'elle soit observable à une échelle aussi petite que la mienne. C'est nier qu'il n'y à pas moyen de comprendre le sens de la vie. Et au passage, c'est aussi nier que quelqu'un d'autre puisse y avoir accès. Parce que l'Autre, à son propre Robert intérieur, sa propre boite à signifiants.

Dans ces moments, souvent en pleine conversation, où je me met à parler ce que je vois, je me sens comme dans la "zone". Une forme de lâcher prise momentané, insoupçonnable, et harmonieux. Si l'émotion était de l'eau, et la raison de l'huile, alors le temps d'un instant ils s'homogénéisent dans leur intensité. Et bien dans ces moments là je ne m'adapte plus à l'Autre. Tant focalisé sur cette mission de vouloir communiquer le plus précisément possible ce construct de pensée en 3D, j'utilise des termes que l'Autre reçoit avec qui il est à ce moment, ainsi que de ses définitions du monde, et de sa maturité affective. Et ca peut faire beaucoup d'informations à traiter émotionnellement comme intellectuellement. Afin de compenser, l'Autre va s'adapter en visualisant le construct en 2D, et le paysage que l'Autre verra, il en tirera sa propre cohérence plastique. Et là c'est la roulette du Casino, beau ou moche. Fusse non pas binaire mais étalé dans toute leurs nuances.

J'ai peur que mon enfant s'imbibe de laideurs que je lui aurait communiqué en souhaitant tout le contraire. Et parce que je serai son père, je serai à une place où ce que je lui dirais, tel qu'il le comprendra, il le croira.

Quand j'étais petit, j'ai tant manqué de comprendre comment voir le monde, l'existence, la conscience. Les adultes s'en foutaient royal. Alors j'ai peur que ce soit tout le contraire pour mon enfant, et que je noie sa belle et jeune subjectivité par les tentatives de la mienne à se rassurer. Parce que dans le fond c'est ca, dire ce qu'on pense. C'est confronté la solidité d'une pensée qui se croit suffisamment cohérente pour exister face au regard de l'Autre.









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