Avant de pouvoir commencer réellement à répondre au sujet même de cet écrit, il me faut planter le contexte. Soit, un contexte exclusivement subjectif pour le coup, puisque cela parle de mon propre processus d'intégration de cette fonction d'écoutant et comment j'en suis arriver là, aujourd'hui, à me questionner sur cette fonction et à en écrire ce qui en ressort.
Il me faut me l'avouer, pendant prêt de deux ans j'ai dénigré ce métier, d'ailleurs je ne le voyais pas comme tel. J'avais le sentiment d'être psy et de porter la casquette d'écoutant le temps de mon travail. A l'époque (2019) l'institution se battait contre les revendications des salariés accusant l'exploitation de leurs compétences, durement acquises, sans en avoir la reconnaissance, ni statuaire, ni monétaire. Une dynamique de groupe en spirale qui m'aspirait, malgré moi, à dénigrer ce que je faisais, tel un collaborateur d'une éthique institutionnelle dévalorisante à l'endroit du sujet en l'écoutant. Cependant je n'étais pas non plus en accord avec les revendications salariales telles qu'elles étaient prônées. Certes nous n'étions pas reconnu dans l'importance de la mise au service de nos compétences au profit des jeunes, et par jeu de domino, de la ligne, et enfin de l'EPE. Cela dit, nous n'avions pas non plus fait des études de psy pour travailler sur des lignes d'écoute. Aussi, il n'était pas question pour moi que l'institution paie mon manque d'ambition, mon manque de confiance en mes compétences.
C'est avec le recule que je discerne une nuance qui deviendra un pilier dans ma compréhension de ma fonction: le métier de psychologue est particulièrement adapté au métier d'écoute, bien que les enjeux derrière le métier d'écoutant ne soient pas voués à être exclusivement portés par des psychologues. C'est pourquoi aujourd'hui je ne suis plus un "psy, écoutant à mes heures" mais un "écoutant, avec une casquette de psy" lorsque je prends place sur le plateau. Une distinction qui demanderait à être étayée.
Pourquoi le métier de psychologue serait des plus adapté au métier d'écoutant?
cohérence, tolérance, prendre soin du sujet, connaissance des dynamiques, responsabilité, processus
Etre écoutant, qu'est ce c'est? C'est en tout premier lieu, occuper une fonction professionnelle au sein d'une institution mettant en service des lignes d'écoute. Etre écoutant c'est un métier du social.
Le simple fait d'écouter ne fait donc pas de quelqu'un un écoutant.
Je dois transcender ma vision de l'écoute, la comprendre dans sa vision globale et individuelle, tout en confondant ces plans d'observation en un seul. Tirer l'essence même de ce qu'est l'écoute homéostasique.
Être écoutant, tout un métier.
Un métier qui demande à l'écoutant d'intégrer, avec autant de rigueur que de souplesse, l'emboitement en poupées russes de plusieurs cadres: le cadre institutionnel, le cadre de la ligne, et le cadre de l'appel.
Ce faisant il développe son cadre interne en le rendant toujours plus cohérent et adapté à sa fonction.
1. Quelle est la fonction de l'écoutant? (ce que l'on attend de lui).
Pour bien comprendre la fonction d'un écoutant je vous propose que l'on aille l'observer à partir de l'exemple de la ligne Fil Santé Jeune (FSJ), au travers des différents cadres.
En se référant au cadre institutionnel:
- Être ponctuel, et souple face aux demandes du services (heures complémentaires).
- Être rigoureux et constant dans le travail,
- Être poli et courtois en toutes circonstances.
- Participer aux réunions d'équipe
- *Demander des temps de supervision individuelle si besoin se fait sentir (actuellement non institutionnalisé)
- **Expérience de la ligne > 1an, se proposer lorsque l'on se sent prêt à intégrer l'équipe de formation des nouveaux écoutants. (actuellement non institutionnalisé)
En se référant au cadre de la ligne :
- Prendre les appels des 12-25ans, en préservant l'anonymat et en rassurant l'appelant, si besoin est, de la gratuité du service.
- FSJ est une ligne d'écoute de santé (pour toutes problématiques d'ordre médicales, contraceptives, sexuelles, psychologiques, relationnelles, existentielles ou de violence), ce qui demande théoriquement à l'écoutant d'avoir une grande adaptabilité à recevoir une diversité importante de problématiques, comme de profil d'appelants.
- Re-orienter les appelants "hors-cadre" vers d'autres lignes d'écoute adaptées.
- Remplir le "masque" avec assiduité afin de nourrir les bases de données statistiques de la ligne.
- Ecrire des fiches d'appels pour aider les dirigeants de l'association à séduire les financeurs de l'interêt que la ligne soit opérationnelle et qu'elle continue à se développer.
- Respecter les protocoles (sorties d'anonymats, accompagnements TS ou jeune victime de violence intrafamiliale)
En se référant au cadre de l'appel :
- Prêter attention à ce que l'appel se déroule dans de bonnes conditions (internes, environnementales, techniques)
- Ecouter avec respect et neutralité (induit naturellement un temps d'écoute adapté au discours de l'appelant, permettant une pleine compréhension de sa demande verbalisée, et un décryptage avancé de la demande implicite.),
- Informer (donner des informations relatives aux demandes, en ce qui se questionne spontanément au fur et à mesure de l'appel, et aussi en ce qui nécessite faire de la prévention)
- Orienter si besoin (vers des sources d'informations complémentaires ou vers des institutions/professionnels adaptés).
- Veiller à une durée d'appel cohérente (fonction de l'appréhension subjective de paramètres aléatoires comme: la nature de la demande, l'âge ou la temporalité de l'appelant, voire le degré d'activité sur la ligne).
En se référant au cadre interne de l'appelant:
- Avoir conscience et savoir maitriser ses outils d'écoutant (sa voix, ses silences, sa posture, ainsi que l'utilisation des différents cadres pour tiercéiser la rencontre.)
- Développer son regard critique sur sa propre adaptabilité dans la maitrise de ses outils à travers la quantité d'appel écumée.
- Développer ses connaissances sur la dynamique des appels (ex: accompagnement progressif de l'état émotionnel de l'appelant durant le processus de l'appel), sur la dynamique intersubjective dans la rencontre sur une ligne d'écoute anonyme afin de gagner en efficacité (ex: le tissage d'un lien de confiance suffisant permet à l'appelant d'investir les informations et l'orientation proposée. En revanche, une alliance trop épaisse risque de déplacer investie par l'appelant comme "solution" à sa problématique, . Par l'extension de cette ingérence que l'on peut être à l'origine de l'émergence d'un "habitué" sur la ligne.) ainsi que les thématiques associées au public rencontré dans le cadre de la ligne.
- Connaître ses limites (en termes de véracité des informations données, d'affects ou simplement de bon sens comme lors d'une sortie d'anonymat) et s'autoriser à les assumer si un appel y confronte. Auquel cas, collègues et coordinateurs présents sur le plateau sont des ressources aussi inépuisables qu'inestimables vers lesquels se tourner.
L'inscription du sujet dans ces cadres ancre sa fonction d'écoutant, et assoie sa légitimité professionnelle.
L'écumage progressif de dizaines en centaines d'appels permettra à l'écoutant de toujours mieux comprendre les nuances de sa fonction. Cela dit, ce n'est pas seulement un "écoutant" qui répond à l'appel d'un individu en demande, c'est avant tout un "sujet s'appropriant la fonction d'écoutant". Une nuance importante pour comprendre que chaque appel est un monde, celui d'une rencontre intersubjective à un moment spécifique de l'histoire de l'un comme de l'autre.
2. Quelle est la mission de l'écoutant ? (ce qu'il attend de lui-même)
Enjeux sous-jacent à la rencontre intersubjective dans le cadre d'un appel unique, anonyme, à durée limité.
Originalité, passion(qualité)/violence(quantité), sentiment impuissance, tolérance/intolérance
Être à l'écoute de ce qui est, en ce qui se dit et en ce qui s'entend.
Être à l'écoute de ce qui est, en ce qui, ni ne se dit, ni ne s'entend.
Être à l'écoute de ce qui est, en ce qui se dit et en ce qui s'entend.
Être à l'écoute de ce qui est, en ce qui, ni ne se dit, ni ne s'entend.
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